Toute ma vie, j’ai appris à me balader entre les murs des carcans autoritaires et structurés perpétués par mon éducation. Le moindre pas sur la ligne rouge extérieure était comme un coup de taser. Le souvenir amer de mes électrocutions intempestives a flétri mon moi profond au fin fond de la caverne égotique, permettant ainsi à mon personnage de prendre la main.
Celui-ci, m’a appris à marcher dans les pas de ce monde rempli d’injonctions et de lassitudes. Sans lui, je n’aurai pu m’adapter. Mais aujourd’hui ma quête n’est plus de survivre n’y d’essayer et de faire semblant d’être «norme-mal». Je recherche à présent les parts morcelées de mon âme traumatisée à l’idée de ne pas pouvoir exister. Sans elle, je me sens malheureuse de croire que le monde est étrange, un peu bancal, aussi fluide qu’un automate rouillé.
Alors je traverse le quotidien en réalisant qu’à mon tour, j’entretiens cette structure aussi sclérosante que rassurante. Tout comme ma famille a voulu me protéger en perpétuant le massacre dont ils étaient victimes. Je cherche ma chanson, mais l’unique personne qui en connaît la partition est cet enfant en moi dont la boite à musique «s’est cassée».
Parfois, égarée dans l’identification de mon mental, j’entrevois l’aube qui m’appelle, me rassure et m’enlace :
« Tu ne t’es jamais perdue, c’est la longue nuit noire de l’humanité à laquelle tu n’as pas su t’adapter. La lumière va s’allumer en toi pour que tu sois une lanterne à l’aube de l’éveil d’une civilisation en quête de résurrection. »
Parfois, ma mélodie parvient à percer les couches de persona et mon enfant joue à l’extérieur. J’entrevois la vie au travers de ses yeux. Je me sens exister enfin dans une réalité des plus simplifiée. Le retour à «l’anormal» est violent lorsque le mental m’assène de retourner à la maison par son monologue sans fin. La douleur d’être enfermée dans ce personnage est insupportable lorsque nous savons fredonner notre chanson. Le bruit incessant de mon ego en quête existentielle a repris la place et son combat avec le vivant a emporté les paroles.
Cet air parfois, j’aurais préféré ne pas le connaître si je suis contrainte de l’oublier immédiatement alors que les couplets sont « sur le bout de mon âme». Cependant, une connexion s’est établie par toutes les fois où j’ai su le chanter. L’enfant en moi, me ramène des souvenirs de ses sorties de plus en plus fréquentes. Avec ces dernières, il a redécoré tout mon intérieur. Un refuge s’est créé, aller en moi est ainsi plus confortable. Je peux m’y ressourcer lorsque l’évolution dans cette réalité m’est insupportable. La douleur d’exister n’est plus, les ponts-levis de ma forteresse égotique s’abaissent. Peu à peu, je peux fredonner cet air qui est le mien dès que j’en ai besoin.
Autrice : Elodie Rivero – Déclic & des Clés
Illustration : Elodie Rivero – Déclic & des Clés
www.declicetdescles.com
Inspirée à l’écriture par cet air : https://youtu.be/_2WdYUm2tuM